J’aime bien dire des évidences. Je les trouve jolies dans leur simplicité. Elles ne signifient rien de plus que ce qu’elles disent, et c’est déjà beaucoup. « J’ai besoin des autres pour changer, pour vivre », « il fait beau lorsque je suis heureux » sont deux évidences qui reviennent dans mon esprit aujourd’hui. Le manque de sommeil et le café ne m’aident certainement pas à penser lucidement, mais j’aime cet état où pour une fois, ce ne sont pas des mots ni des horaires qui surgissent, mais des images, des souvenirs, des pensées confuses sur qui je suis et où je vais.
J’ai besoin de recommencer à être créatif – à assumer ma créativité. La nuit blanche que je viens de passer m’a rappelé la nécessité de rechercher sans cesse des nouveaux chemins, de s’ouvrir à des bonheurs et des chocs, mais aussi de permettre à ces petits éclairs d’extraordinaire de se manifester. J’ai le goût de me remettre à la photo, l’un des meilleurs moyens que je connaisse d’ouvrir une faille dans le déroulement du quotidien. L’objectif de mon vieux 35mm Minolta était comme une cabane où mon œil se cachait pour regarder le monde, en sécurité et un peu rieur d’avoir tiré la normalité par la queue. Cette envie renouvelée, je la dois à certains de mes amis qui récemment m’ont inspiré par leurs photos magnifiques d’endroits mille fois traversés mais rarement regardés. Le métro que je prends tous les jours, en flou noir et blanc, retrouvait tout le mystère d’un départ pour une destination inconnue. Un portrait d’une jeune fille d’origine haïtienne, baigné dans une lumière laiteuse, me parle d’amour, de silence. Roland Barthes parlait de la photo comme d’une évocation de la mort; on pourrait dire aussi de la vie éternelle, d’une vie qui traîne la patte sans vouloir s’éteindre tout à fait, longtemps après.
Le vécu quotidien se transforme en une histoire. Les faits se mêlent avec l’invention, l’un et l’autre jouent ensemble, comme lorsqu’un enfant raconte sa journée. Chaque photo est comme une intersection, une piste d’où une vie autre aurait pu commencer. J’ai été dans cette photo, j’y suis encore, j’y aurais été; peut-être que tu y étais, peut-être que maintenant tu y es. J’aime cet alignement d’une multitude d’histoires dans un cliché, comme tout ce qui me donne l’impression d’ « être avec », de participer à l’existence de quelqu’un d’autre. Comme sans doute chacun de nous, je ne suis jamais arrivé à comprendre que chaque individu soit entièrement contenu en lui-même. Je voudrais ressentir à travers toi, et à travers toi, regarder passer cette autre partie de nous qui est moi, comme une comète dans un nous infini.
dimanche 17 janvier 2010
La routine
C’est surtout pour tenter de m’en guérir, mais peut-être aussi pour la comprendre que je tente une nouvelle fois d’écrire régulièrement dans mon blog. Régulièrement… bon, ça commence bien.
J’ai ressenti ces derniers jours un sentiment d’urgence et d’instabilité que je n’avais pas ressenti depuis trop longtemps. Le sentiment de « passer à côté », de m’encroûter, de ne pas participer du monde qui m’entoure. J’en parlerai peut-être une autre fois, mais je crois que ce sentiment m’anime depuis l’adolescence, alors que déjà je me sentais « vieux », échoué hors de l’enfance, contraint de lutter continuellement pour faire de chaque jour un petit monde nouveau plutôt qu’une étape négligeable du grand projet de devenir adulte.
Lorsque je pense au mot « routine », je vois l’image d’un lièvre qui repasse sans cesse dans les mêmes sentiers, que lui-même crée et maintient par la simple action de les emprunter. On pense aux animaux comme des êtres libres; même les oiseaux migrateurs ne font rien d’autre que circuler dans une géographie rétrécie, terriers, tunnels, couloirs migratoires.
Je pense à une sorte de film d’abord ténu, presque imperceptible, comme la démarcation entre l’huile et l’eau. Puis, avec le temps, ça s’apparente davantage à une pellicule plastique qui m’enserre dans un parcours figé. Ce film, posé sur des visages familiers, en fait des inconnus.
Cette barrière peut devenir si dure que l’on se croit dans un jeu vidéo, pleins de portes qui ne s’ouvrent pas, de murs ornés d’un papier peint au motif « forêt » et de visages qui ne disent rien. Moi aussi, je suis un visage qui ne dit rien.
Je ne sais pas comment lutter contre la routine, comment tracer sans cesse des chemins de traverse – au risque permanent de les voir se transformer en tunnels silencieux et solitaires. Je me dis qu’il ne s’agit que de se laisser changer par les autres, de voyager, d’aimer. Ce n’est pas facile. J’ai besoin de tout mon temps libre pour me rappeler que oui, peut-être, je suis libre.
J’ai ressenti ces derniers jours un sentiment d’urgence et d’instabilité que je n’avais pas ressenti depuis trop longtemps. Le sentiment de « passer à côté », de m’encroûter, de ne pas participer du monde qui m’entoure. J’en parlerai peut-être une autre fois, mais je crois que ce sentiment m’anime depuis l’adolescence, alors que déjà je me sentais « vieux », échoué hors de l’enfance, contraint de lutter continuellement pour faire de chaque jour un petit monde nouveau plutôt qu’une étape négligeable du grand projet de devenir adulte.
Lorsque je pense au mot « routine », je vois l’image d’un lièvre qui repasse sans cesse dans les mêmes sentiers, que lui-même crée et maintient par la simple action de les emprunter. On pense aux animaux comme des êtres libres; même les oiseaux migrateurs ne font rien d’autre que circuler dans une géographie rétrécie, terriers, tunnels, couloirs migratoires.
Je pense à une sorte de film d’abord ténu, presque imperceptible, comme la démarcation entre l’huile et l’eau. Puis, avec le temps, ça s’apparente davantage à une pellicule plastique qui m’enserre dans un parcours figé. Ce film, posé sur des visages familiers, en fait des inconnus.
Cette barrière peut devenir si dure que l’on se croit dans un jeu vidéo, pleins de portes qui ne s’ouvrent pas, de murs ornés d’un papier peint au motif « forêt » et de visages qui ne disent rien. Moi aussi, je suis un visage qui ne dit rien.
Je ne sais pas comment lutter contre la routine, comment tracer sans cesse des chemins de traverse – au risque permanent de les voir se transformer en tunnels silencieux et solitaires. Je me dis qu’il ne s’agit que de se laisser changer par les autres, de voyager, d’aimer. Ce n’est pas facile. J’ai besoin de tout mon temps libre pour me rappeler que oui, peut-être, je suis libre.
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