Au Pérou, les choses arrivent beaucoup plus par hasard et par contact que par planification. Notre amie Magda en est un bon exemple: le premier jour de l'arrivée de Denis, Julie, Julie, Julie, Marilyne et Annik, mes compagnons stagiaires, nous avons vu un défilé scolaire au centre de la ville, des voitures et des camions décorés et des enfants de tous âges déguisés en Indiens de la forêt amazonienne, en religieuses ou en danseuses. Pas mal sexy, on se met à danser, je me récolte un beau paquet de balounes que je donne généreusement aux gens qui regardent le show sur le trottoir. On entame la conversation avec celle qui deviendra la fameuse Magda. Le même soir, on se retrouve pour un concert à l'université publique de Piura. Ça se termine par des sérénades vers minuit, dans le noir et en version acoustique.
Elle nous invite à son anniversaire: cool! Une personne connue, une belle occasion de rencontrer des gens. Au menu: CHOC CULTUREL!
On se retrouve chez sa cousine, qui vit dans une sorte de commune avec 30 personnes, 5 par chambre, qui partagent tout, la cuisine, la moto, le mobilier, etc... Une belle leçon d'organisation communautaire. Moi et Julie Tremblay, tranquilles assis sur une chaise, pendant qu'autour de nous des hommes pas très bavards déplacent des briques de ciment... On est un peu mal à l'aise, avec l'impression qu'en fin de compte, on ne connaît personne dans cet endroit!... les autres sont partis avec Magda chercher ses deux enfants et on se retrouve avec sa cousine, une femme dans la quarantaine bien affirmée, une cuisinière horriblement grosse et masculine, un/une androgyne muet(te), cinq chiens et un chaton.
Nous découvrons au fil de la conversation que la femme en face de nous est nulle autre que la présidente de l'association des travailleuses sexuelles de Piura, une communicatrice engagée dans la lutte contre le sida et la discrimination envers les prostituées, gais, lesbiennes et transsexuels. Elle nous montre les restes des décoration de la fête des Mères, accrochées au toit en tôle ondulée: des condoms à demi dégonflés. Elle en a des caisses entières, par paquets de 144 condoms, qu'elle distribue la nuit sur l'avenue Loreto, le red light piurano. Ses quatre filles ont appris toutes petites comment s'en servir, comme d'autres jouent avec leurs poupées... Elle me montre un paquet: gracieuseté du président Bush! Il était sûrement distrait le jour où il a autorisé ça...
Magda revient, avec sa petite fille et son fils, plus les deux Canadiens. Commence une ronde sociale un peu surprenante. Assis en rond, on boit de la bière avec un seul verre, en se le passant l'un à l'autre pendant que le souper cuit... Il faut éviter la merde de chien au sol et les flaques d'eau. Il faut oublier quelques instants l'hygiène, les bactéries et les puces. Il faut se souvenir de la simplicité et de l'intensité de ce moment, la petite porte ouverte au numéro 531 avenue Loreto, avec ses hòtels et ses commerces, qui nous montre l'espace d'un instant l'arrière de la façade, les prostituées, la pauvreté mais aussi l'espoir.
Je repense à Magda, à sa solitude et à ses enfants si curieux de tout, si remplis de questions naïves et belles sur le Canada et sur nous. Comment on se sent lorsqu'on a froid? Est-ce qu'on devient blond lorsqu'on habite au Canada? Vous voyez le genre. Des questions d'enfants qui demandent de l'écoute et de l'imagination bien davantage que des faits. Sommes-nous un espoir pour eux, ou un rêve? À moins que nous ne soyons nous aussi un petit passage, un peu branlant et pas toujours invitant, vers plus de vérité et de compréhension du monde dans lequel nous vivons.
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